Réponse à Laure Waridel : alliances stratégiques pour bloquer Poilievre, avec qui?
Vu du Québec, l'appel à bloquer les Conservateurs est un leurre qui nous conduit encore au cul de sac.
Dans sa chronique du samedi 15 mars, Laure Waridel lance un appel senti à bloquer les Conservateurs de Pierre Poilievre sous le titre de «Au moins 7 raisons de bloquer Poilievre pour protéger le Québec contre Trump».
On est ici dans la logique de la démocratie minimaliste; ou sa réduction à l’infini du «moins pire» qui ne s’est jamais, jamais traduit par mieux - la gouvernance libérale de Trudeau en faisant foi. Surtout pour le Québec, et je dirais la francophonie du Canada.
On est aussi dans l’amalgame un peu exagéré du «Poilievre = (au moins assez pour justifier le point ci-haut) Trump. Aussi que «Poilievre partagerait la même idéologie, la même vision du monde que Trump.» J’ai des réserves là-dessus. Faut pas charrier. Poilievre ne gouvernerait jamais comme le fait le mégalomane et despote président états-unien. Poilievre est-il un politicien populiste? Oui. De droite? Oui. Oserait-il s’allier à un fou comme Musk et créer une DOGE canadienne? Oserait-il organiser une chasse à grande échelle-et inhumaine- des sans-papiers au Canada, les emprisonner et les déporter en masse? Poilievre a-t-il été condamné de crimes sexuels, affiche-t-il un penchant mysoginiste semblable? etc.
Faut pas charrier.
Ce qui m’inquiète du PCC de Poilievre par contre, c’est l’influence dans ce parti d’un lobby catho orthodoxe et radical qui, lui, pourrait pousser fort afin que le parti s’attaque aux droits à l’avortement et aux droits des femmes en général. Mais ceci est vrai de tous les lobbys religieux. Et au Canada, tous les partis politiques pancanadiens sont visés par des lobbys religieux à un degré ou un autre.
C’est une des conséquences les plus délétères de ce multiculturalisme débridé que les libéraux ont moussé avec un zèle qui frôle l’obsession.
Les reproches
La prémisse de Waridel est la suivante :
«J’aime trop le Québec, j’aime trop mon pays et son humanité pour le laisser se faire «trumper». C’est ce qui arriverait si les conservateurs de Pierre Poilievre prenaient le pouvoir à Ottawa. Le Canada deviendrait la marionnette de Donald. Oubliez le Québec comme société distincte! Trump méprise les minorités. C’est ce que nous sommes pour lui en Amérique du Nord.»
En gros, la chroniqueuse reproche au chef conservateur de n’avoir rien dit (car ne rien dire c’est consentir) à propos «des politiques discriminatoires et obscurantistes de nos voisins du sud», la criminalisation de l’avortement notamment.
Je le répète, le lobby anti-avortement existe au sein du PCC et des dizaines de députés conservateurs ont de solides réserves envers l’avortement. Mais le chef a quand même répété plusieurs fois qu’il ne toucherait pas à ça, ni aux marriages du même sexe ou la légalisation du cannabis.
Difficile de l’associer alors à cet aspect du régime Trump.
Vient ensuite pour Waridel le dossier de la «cancel-culture» aux États-Unis; «qui se traduit par le retrait de milliers de pages web et de sites gouvernementaux qui parlaient d’avortement, de changements climatiques, de santé publique, de droits LGBTQ+, d’initiatives de diversité, d’équité et d’inclusion, etc.»
Ici des nuances s’imposent. Certaines des raintes soulevées par Waridel sont légitimes. Sous Harper, le milieu universitaire avait été visé et les conservateurs pourraient fort bien tempérer beaucoup, voire même nuire, aux efforts en matière de lutte aux changements climatiques. Pour ce qui de l’idéologie de l’EDI, il y a là une questionnement plus large à engager et ça dépasse la seule question du trumpisme.
Le Canada et le Québec peuvent très bien discuter et débattre des politiques d’EDI sans verser dans les dérives du trumpisme.
Et concernant les arrestations arbitraires, l’emprisonnement, le renvoi de milliers de personnes par l’administration Trump, je crois que Waridel exagère en prétendant que le silence de Poilievre ici équivaut à un consentement à ces dérives inadmissibles.
J’en appelle, enfin, à ce que Laure Waridel se penche sur les nombreux sondages pancanadiens depuis l’été dernier concernant l’impression favorable/défavorable (ou l’appui) à Donald Trump ou ses politiques. Le seul parti politique fédéral qui puisse inquiéter réellement c’est celui du bouffon Maxime Bernier. Les conservateurs, majoritairement, n’appuient pas le trumpisme.
Les «alliances»
Selon Waridel il faudrait «espérer la formation d’alliances stratégiques entre le Parti libéral, le Bloc Québécois, le NPD et le Parti vert» pour bloquer Pierre Poilievre.
Ici, permettez-moi d’avoir de sérieuses réserves.
D’abord, Waridel pourrait relire les textes de ses collègues Michel Girard (bilan économique désastreux du PLC de Trudeau) ou de Guillaume Rousseau (bilan de gouvernance catastrophique pour le Québec de la décennie libérale).
Et ici je citerai Rousseau, c’est important :
«[…] ce serait une erreur d’oublier que Justin Trudeau a adopté des politiques très idéologiques dans la lignée de celles de son père.
Il a augmenté l’immigration au-delà de la capacité du marché de l’habitation. Cela a contribué à causer une hausse sans précédent des coûts des maisons, au point de priver des millions jeunes canadiens de la possibilité de devenir propriétaires. Et surtout, il l’a augmentée au-delà de la capacité à franciser suffisamment d’immigrants. Pire encore, alors qu’à un certain moment le gouvernement Trudeau a laissé penser qu’il mettrait fin à sa politique consistant à subventionner à coups de millions l’anglais au Québec, il a ensuite changé son fusil d’épaule et confirmé cette politique injuste.
En toute cohérence, quand le gouvernement Couillard a voulu discuter de la possibilité de faire évoluer la Constitution canadienne de manière à ce qu’elle permette au Québec d’assurer l’épanouissement de son identité, Justin Trudeau s’y est opposé avec mépris... comme l’aurait fait son père.
Son nationalisme canadien a même amené Justin Trudeau à grossir considérablement l’État fédéral en multipliant les programmes sociaux coûteux dans les champs de compétence des provinces. Par conséquent, il a accumulé des déficits monstres, qui tôt ou tard devront être résorbés par des hausses d’impôt ou des coupes dans les transferts aux provinces. Pendant ce temps, il a sous-investi dans des domaines de compétence fédérale aussi stratégiques que la défense.
À l’heure de la guerre tarifaire, en raison de ce bilan désastreux, le Canada est plus désarmé que jamais en matière identitaire, financière et militaire.»
Vu du Québec, comment diable peut-on même considérer que ce serait une bonne chose que de militer pour un pacte électoral avec -selon moi du moins- le parti d’un gouvernement qui aura le plus nui à notre nation au cours des cinquante dernières années?
Rappelons également que tous les partis pancanadiens (PLC, PCC, NPD, Verts) promettent d’appuyer les contestations de lois votées démocratiquement par notre Assemblée nationale; notamment, sous peu, la loi 21 sur la laïcité de l’État.
Désolé, jamais je ne voudrais faire de «pacte électoral» avec aucun de ces partis.
Je ne cache pas que je suis indépendantiste et malgré certaines réserves concernant l’orientation du Bloc québécois sur la question nationale (je le voudrais à fond sur l’appui à l’indépendance), il ne fait absolument aucun doute dans mon esprit que surtout maintenant, c’est ce parti qui pourra parler en notre nom, au nom de notre nation.
Un des premiers gestes politiques d’importance de Mark Carney, ce PM non-élu- fut de supprimer le ministère des langues officielles. Mais aussi de muter le titulaire de l’Environnement -un environnementaliste, progressiste québécois que Laure Waridel connait bien, un pur produit de notre identité plus progressiste que Waridel salue avec raison, àfaire quoi??? La promotion de l’identité canadienne.
Chère Laure Waridel, la seule alliance stratégique que nous devrions considérer, c’est celle qui nous conduit, le plus vite possible, à notre indépendance du Canada et, de facto, culturellement, socialement, des États-Unis.